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Comment se remettre de la mort d’un proche ?

rose dans un verre

Vous avez perdu un ami, un parent, un proche. Une douleur d'autant plus vive que vous n'aviez jamais été confronté à la mort. Comment traverser cette épreuve ? Quelques pistes pour apprivoiser la souffrance, vivre ce deuil et reprendre la route de votre vie.

Perdre une grand-mère, un père, un oncle ou un ami est, à tout âge, un événement dramatique. A l'adolescence, période de grands chamboulements, vivre un décès est d’autant plus violent qu'il intervient à un moment où l’on se sent déjà fragilisé.

"Bien souvent, les adolescents ont des réactions extrêmement impressionnantes, relate, Josée Masson, présidente et fondatrice de l'association Deuil-Jeunesse dont le siège est basé au Québec. Ils n'ont souvent pas l'expérience du deuil et pas les moyens d'y faire face. Leur vie s'arrête brusquement et ils ont l'impression que cela n’ira plus jamais bien."

Chaque deuil est bien sûr unique. Et chacun le vit à sa manière, avec ses propres émotions. Cependant, certains moyens peuvent aider à apprivoiser la souffrance.

Assister aux obsèques

Alors que beaucoup de parents tentent d'écarter les enfants et les jeunes des cérémonies funéraires, de nombreux spécialistes insistent, au contraire, sur l'importance des obsèques : "L’une des premières réactions face au deuil est la sidération, c’est proprement ‘incroyable’, raconte Damien Leguay, philosophe, vice-président du comité national d’éthique funéraire, et enseignant *. Or comment sortir de cette sidération ? Comment réaliser la perte ? C’est en voyant le corps ou en assistant aux funérailles !"

Les obsèques aident à prendre conscience de la mort de l’être aimé, étape fondamentale pour le processus de deuil.

"Je n'ai pas assisté aux funérailles de mon grand-père paternel, raconte Hélène, 27 ans. Je partais en échange à l’étranger, tout était prévu depuis des mois et ma famille a insisté pour que je parte quand même. Et bien près de 6 ans après, c'est très étrange mais il m’arrive d'avoir l’impression de le voir dans la rue, surtout lorsque je suis dans son quartier. Ce qui n’a pas été le cas pour mes autres grands-parents dont j’ai pu assister aux enterrements. Je le regrette et je pense que c’est très important de dire concrètement, presque physiquement, au revoir à la personne qui est partie."


* Damien Le Guay est philosophe, vice-président du Comité national d'éthique du funéraire. Il enseigne à l'Espace éthique de l'AP-HP (sur les questions d'éthique de la mort) et est maître de conférences à HEC. Il est notamment l'auteur de "Qu'avons-nous perdu en perdant la mort"


Prendre une part active à la cérémonie

Plus encore, les études confirment qu'il serait même bénéfique de prendre une part active aux cérémonies.

"Quand mon grand-père est mort, j’ai écrit un petit texte sur sa vie : ce que je savais de son enfance, de sa rencontre avec ma grand-mère, de la naissance de leurs enfants puis de la façon dont il avait affronté des années de maladie, raconte Clémence, 22 ans, Cela a été difficile à lire le jour de l’enterrement, je pleurais pas mal... Mais je suis heureuse de l’avoir fait, d’avoir fait quelque chose pour lui. Après la messe, les gens sont venus me dire qu’ils avaient vraiment reconnu mon grand-père dans ce portrait. Cela m’a touchée. Je crois que ma grand-mère aussi a apprécié mon geste."

Certains préféreront s’exprimer par d’autres moyens tels que la musique, par exemple. Il est ainsi possible, si vous jouez d’un instrument, de proposer un morceau. Vous pouvez aussi choisir de diffuser une chanson qu’aimait particulièrement le défunt ou qui vous fait penser à lui.

Si une réception est organisée, n’hésitez pas à vous impliquer : on peut participer au service, à la mise en place des chaises, des tables ou mettre quelques fleurs par exemple.

Accueillir ses émotions

Lorsque l'on perd un être cher, il est normal de ressentir beaucoup d’émotions : de la tristesse, de la culpabilité, de la peur, de la colère ou encore des regrets.

"Il ne faut pas s’inquiéter de ces émotions, elles sont importantes, estime Josée Masson de Deuil-Jeunesse. Il faut laisser venir la colère, laisser monter la peine. Elles sont liées à l’amour qui nous relie à la personne décédée."

Plutôt que de tenter de réprimer ses émotions, mieux vaut essayer de les nommer, de les comprendre. "Si on refuse ces émotions, si l’on n’accepte pas d'être en deuil, on ne trouvera pas les outils et les ressources qui vont nous permettre d’avancer et d’apprendre à vivre sans la personne décédée", ajoute Nadine Frenkel, présidente de Echange & Partage Deuil - Deuil Jeunesse (branche française de Deuil Jeunesse au Québec).

En parler

Certains ont davantage besoin que d’autres de faire part de leur ressenti. Il est pourtant souvent bénéfique de partager ce que vous avez sur le coeur : "Il ne faut pas voir cela comme de la faiblesse, rappelle Nadine Frenkel. On est fort à dire ce que l'on ressent !"

Si vous avez perdu quelqu’un de votre famille, cela peut-être l’occasion de poser des questions à vos parents. Ils ont peut-être des histoires à vous confier, des choses à vous apprendre. "J’ai beaucoup parlé avec ma maman de son papa au moment de son décès, se souvient Clémence. Elle m’a raconté certaines parties de leur vie que je ne connaissais pas du tout. Cela nous a fait du bien d’autant plus que nous avions, comme dans beaucoup de familles, pas mal de disputes à ce moment-là !"

Et si vous sentez que vos parents sont trop envahis par leur chagrin pour être disponibles, tentez de trouver un autre interlocuteur. Cela peut être quelqu'un de votre famille, un oncle ou une cousine, un ami de vos parents, un de vos camarades de classe, un professeur et pourquoi pas, si vous avez la foi, un prêtre, un imam, un rabbin..."Il faut surtout chercher quelqu'un avec de grandes oreilles et une petite bouche, ironise Josée Masson. Quelqu'un capable de tout entendre, sans jamais juger, capable d’écouter simplement. Il faut être attentif, on a souvent une ou deux personnes comme cela dans notre entourage."

Exprimer ses besoins

Bien souvent, l’entourage n’ose pas poser de questions de peur de blesser la personne endeuillée, de la faire souffrir davantage. Ne prenez pas les silences ou la gêne de votre entourage pour un manque d’intérêt, sachez que vos amis ont, bien souvent, peur de se montrer maladroits.

"Il ne faut pas hésiter à exprimer ses besoins, préconise Josée Masson. C’est ainsi que vous pourrez bénéficier d’un soutien efficace de la part de vos amis."

Ainsi, pourquoi ne pas dire à tel ami que vous aimeriez simplement qu’il vous aide à vous distraire ? Et à tel autre que vous avez envie de parler de votre chagrin ? Ils sauront ainsi comment vous aider et vous vous sentirez mieux accompagné.

Prendre soin des autres

Prendre le temps de penser aux autres personnes plongées dans la souffrance permet aussi de prendre du recul. Si c’est votre grand-père qui vient de mourir, pourquoi ne pas écrire une lettre à votre grand-mère ? Pensez qu’elle aura probablement beaucoup de mal à vivre l’absence, au jour le jour, après des années de mariage. Essayez aussi de penser à lui téléphoner pour prendre de ses nouvelles.

Concernant vos parents, vous pouvez aussi leur démontrer davantage d’affection que ce que vous ne feriez d’habitude.

Attention cependant à ne pas ignorer votre souffrance en voulant à tout prix aider les autres. Et Damien Leguay de mettre en garde : "Les jeunes sont souvent les grands oubliés du deuil. Les parents, les proches se disent qu’ils ne sont pas directement concernés par la perte d’un grand-père ou d’une grand-mère. Ils ne doivent pas devenir les béquilles du deuil de leurs parents."

Prendre le temps du deuil

Lorsque l'on vient de perdre un être cher, on peut ressentir un décalage entre ce tsunami qui vient de nous bouleverser intérieurement, et la vie quotidienne qui, à l'extérieur, suit son cours. "Il y a encore quelques années, il y avait un temps de deuil imposé par les convenances, explique Damien Leguay. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, le temps du deuil ne doit plus se voir, il faut continuer presque comme si de rien n’était. Il est alors particulièrement difficile de savoir comment prendre et marquer ce temps particulier."

Cette difficulté, Agnès, 26 ans, qui a perdu son meilleur ami à l'âge de 20 ans, peut en témoigner :

"Mon ami est mort au mois de mars de ma première année d’histoire. Les mois qui ont suivi, tout a continué: les cours, les sorties, les partiels... J'étais portée par une dynamique, un peu comme un automate. Puis, l'été est arrivé, j'ai ressenti le besoin de me réfugier auprès de ma famille réunie, en Corse, pour les vacances. Je leur ai dit que j’avais besoin de souffler. J’ai beaucoup pensé à lui, passé du temps seule, ça m'a fait du bien. Bien sûr, 15 jours ce n'était pas suffisant, mais ça m’a permis de prendre une décision importante : ‘puisqu’il n’avait pas eu le temps de construire sa vie, je me devais désormais de vivre à fond, de vivre pour deux.’ " 

Comme dans l’histoire d'Agnès, le temps du deuil n’intervient pas systématiquement juste après le décès. "Certains vont attendre des années avant de prendre ce temps. Il n’y a aucune règle. Un deuil ne se compte pas en temps mais en amour", confie Josée Masson.

"Ecrire pour soi, c'est faire l'apprentissage d'une émotion intime"

Le fait d’écrire ce que l’on ressent peut, pour certains, avoir un effet apaisant. "Dans cette maison en Corse, j’ai beaucoup écrit, se souvient Agnès. J’ai même écrit à mon ami. J’ai, en quelque sorte, repris le journal intime que je tenais petite parce que j’en ai eu besoin à ce moment là."

Un réflexe intéressant qui peut aider à aller de l’avant. "Ecrire pour soi, pas seulement pour être dans le mouvement, comme souvent sur les réseaux sociaux, c’est faire l’apprentissage d’une émotion intime qui n’appartient qu’à soi et qui est indispensable pour devenir adulte, explique Damien Leguay. Faire l’expérience du deuil, c’est aussi cela : une étape supplémentaire vers la maturité."

Ne pas culpabiliser

Après la disparition d'un proche, il est très fréquent de culpabiliser : J'aurais dû appeler hier, ne pas le laisser partir en voiture, lui rendre visite à l’hôpital etc... Sachez que c’est un sentiment normal et fréquent, d’autant plus à l'adolescence.

"Quant au sentiment de culpabilité, il est accru à l'adolescence, en raison d'une part, des conflits - fréquents à cet âge - qui ont pu exister avec la personne décédée et d’autre part de l'ambivalence - sentiments mêlés d’amour et de haine souvent intensifiés à cette période de la vie", explique Selma Rogy, psychologue, dans un article publié sur le site internet du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. 

Ce sentiment peut varier en fonction de la manière dont est décédé l'être cher. "Si c’est un cancer ou une maladie, le sentiment de culpabilité est souvent moins fort que dans des morts par suicide ou par accident de la route bien sûr, note Josée Masson. Mais quoi quelle qu'elle soit, il est bon de pouvoir exprimer cette culpabilité auprès de quelqu'un de bienveillant et qui peut tout entendre."

Apprivoiser l’absence

Il y a mille manières d’apprivoiser la séparation physique avec la personne que l'on a perdue. "La mort tue les projets, les caresses, les baisers mais jamais l'amour, rappelle Josée Masson. On peut, d’une certaine manière, faire perdurer ce lien."

Certains peuvent dédier une boite où ils rangeront des objets, des souvenirs de la personne, d'autres choisiront de lui consacrer une journée par an, en se rendant sur sa tombe ou en retournant sur des lieux qui ont comptés pour elle. "Il y a beaucoup à imaginer pour faire perdurer ce lien, affirme José Masson. A l'approche des fêtes de fin d’année, certains jeunes font une boule de Noël dédié au défunt...Ce qui est important, c’est de réaliser qu'il faudra vivre avec cette séparation physique, mais que l’amour reste."

C'est un chemin difficile et certains jours seront plus difficiles que d'autres. Il faudra être patient et se montrer bienveillant envers soi-même. "A la fin d’une journée, il faut être capable de faire le bilan et de s’applaudir pour tout ce que l'on a réussi, ajoute la présidente de Deuil et Jeunesse. Il y aura de moins belles journées, mais dans toutes les tragédies, il y a aussi de belles vies. Il faut vous faire confiance."

S’occuper les mains et l’esprit

Si vous êtes très angoissé, certaines activités peuvent vous aider à ne pas vous laisser envahir par vos angoisses. Si vous réussissez à lire, cela peut-être une bonne échappatoire. Certains livres sur le deuil peuvent vous aider à mieux comprendre ce que vous vivez. Si vous sentez que cela vous angoisse davantage, essayez de vous procurer des romans faciles à lire et très prenants.

Si vous ne parvenez pas à vous concentrer, pourquoi ne pas essayer les activités manuelles ? Colorier des mandalas, coudre, peindre, créer des bijoux...

Pour certains, le meilleur défouloir sera de conserver une activité sportive. Quoiqu’il en soit, soyez à l'écoute de vos besoins, faites-vous confiance, vous trouverez les ressources qui vous conviennent pour avancer.

Se faire aider

Il est possible que vous ressentiez le besoin de confier votre souffrance à des spécialistes ou de rencontrer des gens qui traversent la même chose que vous.

Vous pouvez ainsi contacter le fil Santé Jeune qui est là pour vous écouter, ou entrer en contact avec une association spécialisée dans l’accompagnement des personnes endeuillée telle que Echange & Partage Deuil - Deuil Jeunesse, basée en Bretagne mais qui peut vous répondre et vous orienter.

Si la situation vous semble ingérable, si vous notez des changements importants dans vos comportements, si vous faites des cauchemars ou avez des "flash-backs", si vous ne parvenez plus du tout à fréquenter certains lieux, si tout vous semble fade ou que vous avez des envies suicidaires, il faut absolument consulter un thérapeute. Dans certains, cas quelques séances peuvent suffire à vous aider dans cette épreuve douloureuse.





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